Un monde plus grand

Réalisation d'une "Cartographie sensible du quartier" 

Ateliers avec les enfants de la Maison pour tous la Maurelle à Marseille

sous la direction de Leslie Laugero

Préambule :

D'octobre 2021 à juillet 2022 j'ai travaillé avec des enfants des quartiers de Marseille en questionnant ensemble ce que signifie le mot "Nature".

Ce projet intitulé  Petit Terrien  nous a emmenés à la découverte de l'Autre, ces vivants qui peuplent la Terre, autrement dit, les non-humains : les animaux et les végétaux.

Ils ont entre 6 et 11 ans, vivent dans des tours immenses, foulent le goudron tous les jours. Les animaux qui les entourent sont soit nuisibles, à détruire : cafard, rat, pigeon, goéland ; soit domestiques, à chérir  : chat, chien, hamster  ; soit comestibles : poulet, poisson, bœuf, mouton.

Ce qui est « vert » est de l’herbe et les arbres sont tous plus ou moins des platanes. Le tout savamment emmêlé dans des sacs plastiques, des ordures, des gravats. La faune et la flore sauvages sont forcément ailleurs… très loin… Pas ici. 

Ils sont, les ours polaires, les baleines, les pandas, les tigres… de très beaux et lointains animaux, dans une nature luxuriante. Nous les avons accompagnés dans le massif de la Sainte Baume à 45 km de Marseille. Ils n’avaient jamais été dans une forêt. Les transports en commun ne vont pas si loin. Ils étaient persuadés qu’ils allaient voir des loups, des cerfs, des sangliers, courir autour de nous  ! 

Mais non… tous sont restés cachés. 

Alors tout simplement nous avons marché, écouté, observé, senti, touché la terre, l’écorce des arbres, questionné cet endroit si étrange…. 

De retour, quelque chose avait changé. Ceux qu’ils considéraient comme nuisibles étaient devenus sauvages  ! Ils avaient l’air moins sales, plus beaux…

Leur regard a pu se poser autrement sur leur environnement et ils ont pu observer, reconnaître et nommer le goéland leucophée, les mauves, les figuiers, les abeilles, les orties, la fauvette à tête noire, le rouge-queue, le rat gris, le hérisson… et constater qu’ils vivaient ensemble, qu’eux même cohabitaient avec d’autres espèces que l’humain, qu’ils étaient à l’intérieur de cette nature, et non extérieur à celle-ci.

Ce travail sur presque une année nous a poussés à chercher ce qui nous lie, en faisant émerger les relations multiples, invisibles, sensibles, discrètes, abîmées, fragiles entre humains et non-humains. En passant par l'observation naturaliste et des réflexions philosophiques, nous avons créé deux "êtres terrestres", construits du fruit du glanage, avec des bouts de bois, des feuilles, des graines.... des êtres de métamorphose. Ces êtres étranges, étrangers, nous ont permis de décaler notre regard anthropocentré sur le monde, d'expérimenter le fait de voir autrement, de voir à travers le regard de l'Autre. 

Leur Monde devenait plus grand, plus riche, plus fragile, à partager.

De cette aventure est née la suivante :

Un Monde plus Grand 

soit la "Cartographie sensible du quartier" 

Questionner ensemble ce que signifie "habiter"

Les enfants sont âgés de 7 à 11 ans ; ils habitent le quartier du 13 ème arrondissement de Marseille et fréquentent la Maison Pour Tous de La Maurelle le mercredi après midi dans le cadre du centre aéré du mois de mars à fin juin 2023.

           Les ateliers :

> Porter attention à l’environnement proche.

> Observer et Apprendre à différencier les différentes plantes, arbres, puis chercher leurs noms dans des livres de botanique.

> Détecter la présence de la faune présente aux alentours par l'observation visuelle et sonore. Apprendre à repérer des indices de traces laissées au sol (plumes, empreintes, pommes de pin rongées...etc ) par de petits mammifères, essayer de les identifier.

> Apprendre à écouter, et découvrir les bourdonnements d'insectes, les chants d'oiseaux et les nommer.

Chaque enfant a un petit carnet et un crayon avec lui pendant les ateliers pour noter, dessiner tout ce qui est important pour lui pendant l'atelier, qu'est-ce que toutes ces découvertes vont faire émerger chez lui. 

Tenter d'exprimer ce vécu par de simples mots, un poème, une description, un souvenir, un rêve, des émotions, un dessin, une peinture à l'encre végétale (fleurs tinctoriales), un collage, un herbier....

Au fil du temps ils élaborent une "cartographie sensible du quartier" en reportant sur une carte type "Michelin" tout ce qu'ils ont noté, dessiné, collecté dans leur carnet. Le béton se fragmente et laisse entrevoir une vie bouillonnante !

Les rue, routes, immeubles, cours, terrains vagues, vont alors doucement se peuplés de dessins d'animaux, de poèmes, de graines et fleurs séchées, de chants d'oiseaux, de souvenirs et de rêves...