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"le malheur de voir sa ville capitale européenne de la culture"...

 

Après quelques faux départs d'éditions, Baraque de Foire est sortie des presses, aux éditions marseillaises l'Atinoir. Cette pièce jouée pour la première fois au théâtre de Lenche en 2011, est ici précédée d'une introduction de Alèssi Dell'Umbria, et suivie de larges extraits des textes de référence. Quand, des spectateurs m'ont dit, il y a deux ans, leur ravissement de voir une oeuvre s'en prendre enfin à la capitale culturelle, je leur ai dit que les sources venaient en grande partie des analyses de la capitale culturelle lilloise. Comme quoi, l'on pouvait facilement imaginer quels dispositifs seraient choisis pour Marseille. Et comment la culture mettrait enfin la ville au pas...

 

Voici des extraits de l'introduction, suivie d'une première critique (sera-t -elle l'unique ?) de Philippe Geneste. Le livre est disponible en librairie. Bonne rentrée à tous, avec une pensée émue pour tous les enfants, comme ceux de cette pièce, qui ne s'y feront jamais...

 

Introduction :

(...) L’occupation de l’espace urbain et suburbain par des oeuvres et des performances est bien un acte de guerre. Les artistes sont chargés de parachever l’oeuvre de la police. “Faire de l’espace public le contexte, le prétexte, le texte de la création artistique” affichent de leur côté les cuistres de “Lieux publics”. Profitez bien, avant que nous ne reprenions la rue…

 

On se dira que de toutes façons, il est bien difficile de faire une expérience sensible et intelligible dans cet univers métropolitain où chacun est pris en charge par des dispositifs qui le dispensent de se risquer. C’est vrai, et la culture fait à présent partie intégrante de ces dispositifs. Qui a eu le malheur de voir sa ville proclamée une année durant “capitale européenne de la culture” en sait quelque chose.

 

Ceux qui habitent leur monde n’ont pas besoin d’être cultivés. Nous, nous contentons de traverser en état d’absence une suite de non-lieux et d’assister à une série de pseudos-événements. Notre présence au monde, quand elle arrive, est de toutes façons trop douloureuse –nous sommes alors comme ces employés de France Télécom quelques secondes avant qu’ils ne se jettent par la fenêtre.

 

Nous pensons que la culture, à notre époque, a principalement pour fonction de s’interposer entre nous et le monde, de tout mettre à distance, dans cette mise en perspective qui ne débouche jamais que sur du vide. Voilà sa véritable fonction politique.

 

Comme disait un romantique allemand, l’homme habite le monde en poète. Et nous savons à présent que ni la culture ni l’art ne pourront plus nous soulager de l’incapacité dans laquelle nous sommes d’habiter, en ce monde.

 

Critique de la pièce de Philippe Geneste :

Jérémy Beschon poursuit son œuvre entreprise avec la comédienne Virginie Aimone, d’une transposition théâtrale d’œuvres de sciences humaines.

 

(...)

Il est question de propagande, d’école qui endoctrine, de colonialisme, de démocratie occidentale en lieu et place de la justice sociale. Mais surtout, il est question de langage.

(...)

Tout sonne juste dans ces dialogues, par ce que Jérémy Beschon, les reprend du réel, jouant de leur composition mais point sur leur teneur. Il y a de l’authenticité dans les mots et les phrases de Baraque en foire. On pense à Karl Kraus, pour cette inclusion dans l’œuvre de pans langagiers entiers du réel, mais un Kraus qui aurait le souci du spectateur plus auteur de théâtre que littérateur pamphlétaire en quelque sorte. Le théâtre prend dans ses filets les discours contemporains, il les tisse en une trame qui se resserre au fil du temps de la représentation. L’enfant que l’on voit au début, peinant à se mémoriser une leçon de classe réapparaît à al fin : « C’est l’ultime défense du monde : demander à celui qui refuse l’ordre d’en inventer un autre. On le met face à son incapacité d’action tout en l’empêchant d’agir ». Or, ce que la pièce démontre c’est que « pour celui qui refuse l’ordre », il ne s’agit pas d’invention d’un monde nouveau, « mais bien de destruction » du monde actuel pour que se lève le rideau de nouvelles possibilités de création sociale.

 

Par la pertinence de la composition, par l’intelligence des dialogues, par la richesse des sources qui sont livrées, cette pièce de théâtre pourrait être utilement proposée dans les lycées et tous les lieux de culture soucieux de sortir de la stéréotypie culturelle ambiante.

 

Baraque de foire, éditions L'Atinoir : http://www.latinoir.fr/livres/

 

Baraque de Foire, la pièce de théâtre : BARAQUE DE FOIRE

 

 

 

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