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Baraque de Foire (livre & critiques)

Baraque de Foire (théâtre) éd L'Atinoir -
pour acheter le livre en ligne : http://www.latinoir.fr/livres   

BARAQUE LIVRE

Baraque de Foire a été édité par l'Atinoir. Cette pièce, jouée pour la première fois au théâtre de Lenche en 2011, est ici précédée d'une introduction de Alèssi Dell'Umbria, et suivie de larges extraits des textes de référence. Quand, des spectateurs m'ont dit, il y a deux ans, leur ravissement de voir une oeuvre s'en prendre enfin à la capitale culturelle, je leur ai dit que les sources venaient en grande partie des analyses de la capitale culturelle lilloise. Comme quoi, l'on pouvait facilement imaginer quels dispositifs seraient choisis pour Marseille. Et comment la culture mettrait enfin la ville au pas...

Voici des extraits des deux premières critiques (seront-t-elles les seules ?) parues dans Lisez Jeunesse et Courant Alternatif, ainsi qu'un extrait de l'introduction. Le livre est disponible en librairie ou commandandable ici. Bonne rentrée à toutes et tous, avec une pensée pour les enfants, comme ceux de cette pièce, qui ne s'y feront jamais...

                                                                                                             Jeremy Beschon, septembre 2013 

 

PRESSE :

« Ici la culture est partout » proclame fièrement les publicités du Conseil général des Bouches-du-Rhône en cette année où « Marseille-Provence » est capitale européenne de la culture.  Derrière cet unanimisme culturel qui gomme tout esprit critique, il est facile de voir l’union sacrée de l’État, des collectivités locales de tous bords et des grandes entreprises – dont les buts, faut-il le souligner, n’ont rien à voir avec la gratuité, le désintéressement et l’accès du plus grand nombre à l’art et au savoir. Alors que cela devrait à tout le moins interroger, voire inquiéter, tous ceux qui mettent la création, la connaissance et la raison au centre de leurs préoccupations, nombre d’acteurs culturels s’en accommodent et adoptent une étrange schizophrénie entre leurs convictions et les conditions de leur activité. Est-il tout à fait innocent d’accepter, par exemple, le mécénat d’une entreprise comme Orange pour mener à bien un projet culturel alors même que chacun connaît – ou est à même de connaître – sa politique de gestion du personnel et les nombreux suicides qui s’en sont suivis ?
Est-ce parce que Jérémy Beschon, son collectif théâtral, son préfacier et son éditeur sont Marseillais qu’ils poussent ce coup de gueule en forme de pièce de théâtre contre l’union obscène du capitalisme et de l’art au cours d’une année où, effectivement, la culture est partout, et surtout où elle ne devrait pas être ? En tout cas, l’exercice est réussi et démontre l’utilité du travail de Jérémy Beschon et du collectif « Manifeste rien » (...)
Cette pièce s’appuie sur divers auteurs et des articles de revue (Actes de la recherche en sciences sociales, Agone, Marginales)  pour proposer en douze courtes scènes un étrange aller-retour entre les représentations audiovisuelles d’un monde « parfait » régi par les bons sentiments et l’alliance idéale de l’art et de l’entreprise et un monde réel, on s’en doute, nettement plus prosaïque. Dans ce dernier, l’État au service du libre marché s’appuie sur la force brute (la figure du mercenaire blanc) dans les pays du Sud et la domination symbolique (le spectacle télévisé, la maitresse d’école, le recruteur d’une entreprise, le metteur en scène) dans les pays du Nord pour affirmer dans tous les cas le TINA (there is no alternative) thatchérien.
On passe ainsi d’une scène à l’autre pour toucher du doigt l’obscénité d’un monde dominé par un capitalisme qui voudrait se faire passer pour un horizon indépassable, mais aussi se faire craindre quand il ne se fait pas aimer. Encore et toujours il s’agit avant tout pour le système en place de « divertir pour dominer » : l’hyper-capitalisme y poursuit sa course folle en anéantissant toute liberté . En lisant cette suite de scénettes qui se succèdent dans une ronde des modes de représentation de la domination, on vérifiera aussi que, comme souvent, la réalité dépasse la fiction. Ainsi de cette entreprise de sécurité lauréate d’un prix qui voit le mariage réussi de l’art et de l’entreprise sous l’égide du Comité européen pour le rapprochement de l’économie et de la culture, le CEREC. Non, cela ne s’invente pas ! (...) Dans un paysage consensuel parfaitement insipide, le principal mérite de ce texte est de fournir les premières armes de la critique des nouveaux modes de fabrication du consentement dans une forme adaptée à un large public.

Courant Alternatif - Janvier 2014.

 

"Jérémy Beschon poursuit son œuvre entreprise avec la comédienne Virginie Aimone, d’une transposition théâtrale d’œuvres de sciences humaines. Le livre proposé par L’Atinoir est leur dernier spectacle, écrit par Jérémy Beschon et joué par Virgine Aimone. La pièce comprend douze scènes. Nous passons d’un plateau télévisuel à un bar en Afrique puis dans un bureau de DRH d’entreprise de sécurité, puis on revient sur ces lieux et on y rencontre le metteur en scène et des professionnels de la culture. Il est question de propagande, d’école qui endoctrine, de colonialisme, de démocratie occidentale en lieu et place de la justice sociale. Mais surtout, il est question de langage. Sur le plateau d’une émission, on parle à l’infini parce que les mots n’engagent à rien ; à l’école la leçon a du mal à être retenue parce qu’elle va à l’encontre de ce que vit l’élève interrogé. Le langage est le marqueur du domaine de la culture que cette pièce explore de manière critique. Or, dans nos sociétés, la culture se donne pour porteuse de démocratie, de liberté, mot immédiatement associé et d’égalité de tous les regards, de toutes les oreilles, affaires de goût nous dit-on…. C’est l’heure du grand divertissement et tout spectacle se doit de se positionner face à cette réalité. C’est ce que fait le texte de Jérémy Beschon. Les dialogues sont âpres, mais grotesques aussi parce que la communication décapée laisser percer la fadeur des mots, l’éviscération du sens mis au seul service de l’utilitarisme entrepreneurial. Des extraits d’un dialogue d’entretien d’embauche illustreront ce propos : « –(…) Jusqu’où pouvez-vous vous reconvertir ? (…) –Je suis polyvalente (…) Je suis polyvalente parce que je crois en la revalorisation des tâches (…) Je crois en la revalorisation des tâches parce que je crois en la parole des experts (…) Je crois en la parole des experts parce que j’ai confiance en l’entreprise ». Tout sonne juste dans ces dialogues, par ce que Jérémy Beschon, les reprend du réel, jouant de leur composition mais point sur leur teneur. Il y a de l’authenticité dans les mots et les phrases de Baraque en foire. On pense à Karl Kraus, pour cette inclusion dans l’œuvre de pans langagiers entiers du réel, mais un Kraus qui aurait le souci du spectateur plus auteur de théâtre que littérateur pamphlétaire en quelque sorte. Le théâtre prend dans ses filets les discours contemporains, il les tisse en une trame qui se resserre au fil du temps de la représentation. L’enfant que l’on voit au début, peinant à se mémoriser une leçon de classe réapparaît à al fin : « C’est l’ultime défense du monde : demander à celui qui refuse l’ordre d’en inventer un autre. On le met face à son incapacité d’action tout en l’empêchant d’agir ». Or, ce que la pièce démontre c’est que « pour celui qui refuse l’ordre », il ne s’agit pas d’invention d’un monde nouveau, « mais bien de destruction » du monde actuel pour que se lève le rideau de nouvelles possibilités de création sociale. Par la pertinence de la composition, par l’intelligence des dialogues, par la richesse des sources qui sont livrées, cette pièce de théâtre pourrait être utilement proposée dans les lycées et tous les lieux de culture soucieux de sortir de la stéréotypie culturelle ambiante."

Lisez jeunesse - Aout 2013

 

"Baraque de foire ou c’est quoi ce cirque ? Ça commence avec une cérémonie de remise des Art and Business Awards… à la télé bien évidemment ! L’art sans le business n’existe pas !

L’Art doit être rentable avant tout ! Les musées, la maison de la Radio, les théâtres sont affublés d’une nouvelle appellation : entreprises culturelles. Le fric, c’est chic ! La loi de la marchandise, la norme du profit et tout ce qui va avec, c’est la norme ronflante…

De la créativité ? Que nenni, il s’agit d’apprécier un spectacle à l’aune de la rentabilité… Il faut s’adapter… à la crise ! La crise est une opportunité pour faire avaler des procédures d’abêtissement de plus en plus en vogue ! Souriez, le bonheur est dans l’allégeance au capitalisme.

Dans Baraque de foire, Jérémy Beschon met en scène le processus de formatage des esprits des futurs consommateurs et consommatrices, bien dans le moule, bien dans le rang, autrement dit des citoyens et des citoyennes responsables ! Le grand mot est lâché, celui qui fait florès : citoyens, citoyennes !

Donc citoyennes, citoyens, ne vous posez plus de questions, penser est inutile, la COM le fait pour vous, vous faîtes partie d’un pays, d’un État, alors répétez avec moi : « la solidarité, [c’est] le sentiment d’appartenir à un groupe de personnes qui sont d’accord entre elles. » Vive la hiérarchie et l’ordre qui en découle !

On pourrait penser que Baraque de foire se plaît dans la parodie ou l’anticipation… À peine, et même pas du tout. C’est une critique acerbe et sans concession des slogans à décérébrer. À voir et à revoir ! À lire aussi…"

Divergences Juillet 2014 

 

 

EXTRAIT INTRODUCTION  :

(...) On se dira que de toutes façons, il est bien difficile de faire une expérience sensible et intelligible dans cet univers métropolitain où chacun est pris en charge par des dispositifs qui le dispensent de se risquer. C’est vrai, et la culture fait à présent partie intégrante de ces dispositifs. Qui a eu le malheur de voir sa ville proclamée une année durant “capitale européenne de la culture” en sait quelque chose.

Ceux qui habitent leur monde n’ont pas besoin d’être cultivés. Nous, nous contentons de traverser en état d’absence une suite de non-lieux et d’assister à une série de pseudos-événements. Notre présence au monde, quand elle arrive, est de toutes façons trop douloureuse – nous sommes alors comme ces employés de France Télécom quelques secondes avant qu’ils ne se jettent par la fenêtre.

Nous pensons que la culture, à notre époque, a principalement pour fonction de s’interposer entre nous et le monde, de tout mettre à distance, dans cette mise en perspective qui ne débouche jamais que sur du vide. Voilà sa véritable fonction politique.

Comme disait un romantique allemand, l’homme habite le monde en poète. Et nous savons à présent que ni la culture ni l’art ne pourront plus nous soulager de l’incapacité dans laquelle nous sommes d’habiter, en ce monde. 

             Alèssi Dell'Umbria
                                                                                                                                              

Baraque de Foire, la pièce mise en scène  : BARAQUE DE FOIRE

 

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