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Amour public, public à mort

L'air est partout vicié par un néo-libéralisme qui en « réorganisant » désorganise et interdit les travaux nécessaires à toutes et tous. Des violences de masse qui abattent les vies des usagers, abandonnés. Des violences qui s’exécutent secrètement – entre quatre murs − quand des soins sont différés ou refusés, des droits sociaux déniés, des classes maternelles délocalisées, des maternités fermées, des EHPAD qui maltraitent, des gares fermées et des cars qui ne passent plus qu’une fois par jour... Et en contrepoint de ces détresses muettes, la guerre des pauvres entre eux s’intensifie. Car la mécanique du malheur ne s'arrête jamais.

D'après La valeur du service public (éditions La Découverte)
et La haine des fonctionnaires (éditions  Amsterdam)
de Julie Gervais, Willy Pelletier et Claire Lemercier

Une comédie-tragique où quatre comédiens jouent, en plusieurs courtes scènes, une multitude de personnages qui s'affrontent, se perdent, se lient, se cassent, puisent dans leurs dernières forces et se reconstruisent pour toujours se réadapter aux nouvelles directives. Missions ou logiciels afin de re-reconstruire, re-réparer. Mais jusqu’à quand ?...
En partant d’idées reçues, de scènes de la vie quotidienne et de stéréotypes, cette pièce dévoile les réalités vécues par les soignants, les agents de ménage, les ouvriers des voiries, les secrétaires de mairie,  les enseignants et bien d’autres.
Le dénigrement des fonctionnaires n’est-il pas un prétexte à une détérioration accélérée ? Qui veut la peau du service public et pourquoi ? On entre à l’hôpital au côté des soignants, dans la mairie aux côtés des secrétaires et vaguemestres mais aussi du maire et de la responsable du service à la population. Tous subissent la pression de la politique du chiffre. Alors on se faufile plus haut, dans les cabinets de conseils, et les clubs des élites dont les décisions peuvent changer le cours de nos vies du jour au lendemain. Si seul le chiffre commande, alors la solidarité et la démocratie deviennent des freins.

Texte :  Virginie Aimone
Mise en scène  : Virginie Aimone et Jérémy Beschon
Avec :  Virginie Aimone, Olivier Boudrand, Franck Vrahidès + distrib' en cours
Création sonore et régie : Tom Spectrum
Lumières : Jean-Louis Floro
Régie plateau : Cyrille Laurent
Assistant régisseur : Jérôme Pastini

Un plateau nu. En son centre une grande table qui sera tour à tour, table d’opération, autel pour cérémonie d’enterrement, table de conférence, grande table de dîner familial etc.
Les décors changeront avec le son. C’est par la création sonore que nous pénètreront soit à l’hôpital, soit à l’église soit autour de la table familiale. Ces sons quotidiens dont la perception et l’intensité sont transformés par l'intensité de nos émotions.

La dramaturgie déroule la vie des petites mains tout en imbriquant les scènes des chefs intermédiaires, qui s’épuisent et s’affairent, pour faire tenir des services désorganisés par le haut, appliquent les directives pour tirer leur épingle du jeu, et en fidèles et dociles soldats se font rouages d’un système qui les broie ; celles des directions et des managers, ils réorganisent, fusionnent, ils vont et viennent du public au privé. Même s’ils se l’infligent parfois, ils ont été éduqués ainsi, alors ils s’allient, s’épousent, puis s’éliminent. Et nous éliminent. Sommes-nous réduits au chiffrage anonyme des dossiers ? Ou pouvons-nous encore être acteurs de nos luttes et nos vies ?

Avec le soutien de :
Théâtre Mille-feuille, Théâtre des chartreux
et Théâtre de l'oeuvre (Marseille) ;
de La Distillerie Aubagne, lieu de création théâtrale ;
de l'UnionDépartementale CGT de Tours ;
de l'association Coudes à Coudes.

 

EXTRAIT
Lumière blanche comme une explosion
Bruits d'hôpitaux et de bloc opératoire. Tout s'agite autour du corps de Marie-Jo, allongée sur une table et recouverte d’un drap. Elle ne voit pas ce qui se passe autour d'elle. Elle va se faire opérer. On entre dans le bloc opératoire avec le chirurgien et son assistante suivie d’une conseillère en finances pour les hôpitaux publics.


CONSEILLÈRE DES FINANCES : Alors on va prendre dépense après dépense. Le premier souci c'est que vos recettes, elles stagnent.
CHIRURGIEN VISCÉRAL : On a gagné 100 000 euros. Qui vous a autorisé à entrer ? Vous vous rendez compte de la situation là !
CONSEILLÈRE DES FINANCES : Oui, je fais vite, 100 000 c'est bien mais là en dépenses de personnel vous en dépensez +300 000 en gros.
INFIRMIÈRE DU BLOC : On la fait sortir doc' ?
CONSEILLÈRE DES FINANCES à l'infirmière : J'en ai pour une seconde... (au docteur) Sur les dépenses directes, donc c'est ça le gros souci, c'est que si vous aviez boosté la T2A et les séjours, on n'aurait pas ça.
CHIRURGIEN VISCÉRAL : Mais on a été félicités en 2011 parce que le taux d'occupation de bloc était de 84% c'est l'équivalent d'une clinique.Comment voulez-vous faire plus d'activité sur un bloc complet ? Faut qu'on m'explique.
À l'infirmière Pince !
CONSEILLÈRE DES FINANCES : Après est-ce qu'on fait les bonnes interventions ?
INFIRMIÈRE DU BLOC : Elle perd beaucoup d'sang doc'
CHIRURGIEN VISCÉRAL à l'infirmière : J'ai vu (à la directrice) Mais est-ce qu'on a le choix dans un hôpital public de faire les bonnes interventions, non mais vous rigolez !
CONSEILLÈRE DES FINANCES : Mais vous, vous faites bien les hernies, les machins, les trucs qui rapportent !
Un signal du bloc se met à retentir
CHIRURGIEN VISCÉRAL : Ah putain ! Je vous ai dit que j'avais pas le temps là.
INFIRMIÈRE DU BLOC : Ça va docteur ? Sa tension baisse là …
CHIRURGIEN VISCÉRAL : Évidemment, elle pisse le sang là, pince, compresses !
INFIRMIÈRE DU BLOC : Voilà j'y suis docteur
CONSEILLÈRE DES FINANCES : On peut se prendre un RDV juste après... CHIRURGIEN VISCÉRAL : Elle est encore là elle !
INFIRMIÈRE DU BLOC : … je vous explique comment mieux gérer à l'avenir, j'en ai vraiment pas pour longtemps...
CHIRURGIEN VISCÉRAL tout en se dépêchant : Et moi j'explique à la dame qui a le bide ouvert qu'elle doit patienter car faut que je trouve mon agenda et qu'elle fait pas partie des bonnes interventions ! Mais elle est barge celle-là !
INFIRMIÈRE DU BLOC : Son cardio descend docteur, on va la perdre là !
CHIRURGIEN VISCÉRAL: Virez moi c'te connasse ! Allez on referme. Vite !
L’électrocardiogramme sonne la fin.

 

 

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